Power, hymne à la sororité

Jeudi 5 mars, Muthoni Drummer Queen a sorti un nouveau morceau, Power, accompagné d’un clip. La chanteuse, rappeuse et percussionniste, accompagnée du duo de beatmakers romands GR! & Hook, rend hommage aux femmes ayant contribué au développement de la société kenyane, son pays d’origine. La vidéo est signée Mei Fa Tan, et tombe à pic, quelques jours avant la journée internationale des droits des femmes.

Muthoni Drummer Queen est un trio, une collaboration débutée en 2013 et qui ne devait être qu’éphémère. Sept ans plus tard, force est de constater qu’il s’agissait en fait d’une rencontre décisive. Les trois artistes fusionnent leurs univers culturels avec talent, ont déjà sorti deux albums – MDQ en 2014, SHE en 2018 – et impressionnent particulièrement sur scène. Ils ont notamment reçu le prix du « Best Act Romandie » la semaine passée lors des Swiss Music Awards.

Le soir d’avant, Muthoni Drummer Queen jouait à la Parenthèse, à Nyon. Programmée dans le cadre du partenariat entre les Hivernales et Picture My Music, la formation avait été sélectionnée l’année passée parmi 160 artistes et a gagné un clip professionnel. Power succède ainsi à Angry de Yaël Miller, que l’association Picture My Music, portée par la réalisatrice Mei Fa Tan, a produit en 2019.

Power, c’est un hymne à l’empouvoirement, une ode dédiée aux femmes qui « résistent à l’oppression, brisent les moules, défient les stéréotypes ». En rendant hommage aux oubliées de l’histoire, en les réhabilitant, la chanson permet aux nouvelles générations de se tourner vers l’avenir. Sachant que le dernier album de Muthoni Drummer Queen rendait déjà hommage aux femmes, c’est donc dans une continuité logique et réjouissante que s’inscrit ce nouveau single.

Tourné au Kenya, et plus particulièrement à la bibliothèque McMillan de Nairobi, le clip vidéo illustre les paroles politiques de Muthoni. Le lieu, à l’architecture coloniale, est un symbole de mémoire, dans lequel apparaissent successivement plusieurs femmes. D’abord, il y a les mères de famille de prisonniers politiques qui se dénudèrent en 1992, face à la police. Cet acte de résistance, de défi, a conduit à des mobilisations populaires massives. Quelques mois plus tard, les prisonniers politiques, torturés au sous-sol du bureau des migrations de Nairobi, étaient libérés. Il y a aussi une boxeuse, Judy Waguthii, qui incarne les athlètes féminines kenyanes. Mondialement reconnue, elle se bat dans tout les sens du terme puisqu’elle s’entraine sans aucun financement gouvernemental, et s’oppose aux codes patriarcaux. Finalement, trois jeunes filles rejouent et se jouent du péché originel ; Eve, désinvolte, croque assurément la pomme.

A cela s’ajoutent une autre strate filmée en dehors de la bibliothèque, et d’autres modèles, comme celui des entrepreneuses. Au Kenya, les femmes rassemblent généralement leurs ressources en tontines. Ce n’est pas par hasard que celles du clip sont fédérées autour d’un matatu, un de ces minibus customisés avec sound system intégré. Contemporaines, elles sont aussi montrées en train de verser des libations à la mémoire des ancêtres. On devine que c’est plus particulièrement aux ancêtres féminins, dont la contribution est souvent indicible, réduite au silence.

Finalement, Muthoni danse, accompagnée de 4 jeunes femmes, sur le parvis de la bibliothèque McMillan. Là encore, le choix du violet pour leur justaucorps n’est pas anodin.

Politique, féministe, postcolonial, le propos de Power est donc très bien illustré par son clip, mais aussi porté, soutenu, voire martelé, par la musique – la production fait penser,entre autres, à Two Fingers. Ce qui est sûr, c’est qu’il va tourner en boucle dans nos écouteurs, et qu’on attend la sorti de l’album de pied ferme.

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