Recreational : l’EP du lâcher-prise pour Lorraine92

©Lorraine92

Forte d’un riche background musical et très active dans la scène indie suisse allemande et romande, Lorraine92 s’est lancée en solo en avril 2021 en sortant son premier EP, Recreational. Portrait et présentation d’une musicienne complète et de son projet 100% DIY.

Lorraine92, on l’a découverte un soir de février chez Bongo Joe. Un peu par hasard à vrai dire, un mercredi où l’on cherchait à boire un verre. Son nom nous disait quelque chose, on l’avait vue passer sur la programmation pointue de Face Z l’hiver dernier. Ce soir-là donc, on a été pris par la douceur de sa musique, dans la salle intimiste de Bongo Joe, entre le Rhône et les vinyles, dans la lumière rose. Après ce moment hors du temps on a voulu en savoir plus sur Lorraine.

Formation musicale

Recreational, première sortie solo de Lorraine92, est la bande-son parfaite pour se mettre dans une bulle, pour tout moment où la douceur est de mise. Oscillant entre sonorités lofi et textes poétiques, Lorraine92 fait de la bedroom pop, à comprendre comme de la musique « de chambre à coucher », intime et instantanée. Un premier EP en 2021 donc, mais pas exactement un coup d’essai. La Genevoise de 29 ans a en effet un solide passif dans la musique : « Je baigne dedans depuis toute petite, mes parents sont pianistes classiques. La musique a toujours fait partie de ma vie comme un élément normal du quotidien. J’ai commencé avec mon frère et ma sœur, enfants on enregistrait des chansons inventées sur un lecteur K7, c’était notre jeu préféré. Puis j’ai fait du solfège, du violon et de la chorale avant de commencer à jouer dans des groupes. La musique a toujours été là, ça n’était pas forcément clair que c’était ce que j’allais faire plus tard. C’était d’abord une activité récréative qui me faisait du bien. »

C’est après le collège et un grand voyage « initiatique » que Lorraine décide de mettre cette pratique au centre de sa vie. Surmontant une phobie des examens de musique, elle rejoint la Haute Ecole de Musique de Bâle dans laquelle elle étudie le jazz et le chant : « Ça n’a pas toujours été facile, comme j’avais une pratique très intuitive, et là il a fallu s’adapter à une approche plus théorique avec laquelle j’étais moins familière. » C’est d’ailleurs en réaction à cela qu’elle s’achète sa première Telecaster et se met à repiquer du Elliott Smith ou Joni Mitchell dans sa chambre pour cultiver son côté autodidacte. Là aussi qu’elle écrit ses premières chansons et commence à s’impliquer plus sérieusement dans des projets de groupe, dont East Sister, toujours en activité. « J’ai exploré beaucoup de manières de faire de la musique à cette période, pour trouver ce qui résonnait. Aujourd’hui je réalise que ma pratique est restée diverse, même si la voix demeure au centre. Quand j’essaie de définir pourquoi je fais de la musique, je pense à l’émerveillement que je peux éprouver en créant des sons, notamment avec des instruments que je ne maîtrise pas vraiment. J’aime être en découverte et j’ai parfois cette impression d’être une éternelle débutante, même si j’ai accumulé plein d’expériences qui me donnent aujourd’hui plus d’assurance en ce que je crée. Mais j’aime ne pas me reposer sur mes acquis, c’est pour ça que ce projet solo est né, dans la continuité de cette réflexion ».

©Lorraine92

Les débuts en solo

Recreational, EP sorti en avril 2021, a vu le jour un peu avant le Covid. « On avait commencé un groupe avec mon frère, Forever Overhead, duo expérimental qui nous a tous les deux encouragés dans nos expressions individuelles. On faisait des covers, de l’improvisation, ses morceaux et les miens. Mais certaines de mes compositions ont fini par me sembler trop personnelles pour appartenir à un groupe. Puis le Covid et le confinement ont dégagé énormément de temps, alors j’ai commencé à enregistrer ces chansons mais plutôt dans l’optique de développer une esthétique de production. » Un projet entièrement homemade donc : « J’avais envie de faire la démarche toute seule de A à Z, sans attentes, qu’elle puisse m’appartenir. J’ai quasi composé en enregistrant, ça a été très instantané, on m’a juste aidée pour mixer (mon ami Ryan Power, qui a aussi masterisé l’album), puis j’ai choisi une date et l’ai posté sur mes réseaux personnels, sans label ni promo. C’était intéressant de voir les répercussions et opportunités qui se sont présentées à travers mon cercle direct. Un bon feeling de se dire qu’on ne se le doit qu’à soi. » Le projet est donc lancé dans la discrétion sur Bandcamp suite aux retours positifs et encouragements de ses proches, malgré l’hésitation. « Je pense que dans la musique quand tu as joué dans pas mal de projets, ta première publication solo prend malgré toi une forme de statement. Je ne me sentais pas forcément légitime et ça m’a demandé du courage d’assumer cette vulnérabilité, mais au final ça a été assez libérateur d’aller jusqu’au bout de la démarche. »

Recreational, l’EP instinctif

Pour Recreational, Lorraine92 a cherché à se défaire de ses propres codes pour créer un EP hyper intuitif, écrit en anglais, sa langue maternelle, qu’elle considère comme son « langage émotionnel ». « Recreational est aussi né en réaction à des périodes de blocages d’écriture que j’ai traversées en me mettant la pression avec des attentes élevées et une recherche de complexité. En fait, ce projet découle d’une décision d’éteindre la voix du jugement pour composer dans un geste plus direct, en acceptant la première idée comme étant la meilleure idée, sans trop me questionner pour aller jusqu’au bout en restant dans la simplicité. C’est un processus très immédiat. Du coup il y a un côté lâcher prise, c’est fun et défoulant de se prendre moins au sérieux. Pendant le confinement c’est devenu ma bulle d’air ». Le résultat est une « collection de chansons » de toutes durées, avec « un coté pop couplé à des harmonies jazz » pour jouer sur les dissonances.

Pour les textes, Lorraine s’inspire de phrases et d’idées qui lui viennent au quotidien, une démarche très organique donc, qui se ressent dans l’EP. On retrouve également dans Recreational les influences de la musicienne, que ce soit les groupes d’avant-pop des années 80/90 (Cocteau Twins, Stereolab ou encore Broadcast) pour le côté mélodique et expérimental ainsi que des figures de la musique lofi et DIY telles que Connie Converse, R. Stevie Moore ou Chris Weisman. « J’ai été très influencée par des projets lofi de musicien·ne·x·s qui produisent à la maison sans grands moyens mais qui, malgré tout, transmettent pour moi énormément de choses. Il y a une émotion que je trouve très belle dans l’enregistrement artisanal, même des mémos au téléphone, quand tu captures une chanson pour la première fois il y a une magie que je trouve difficile de retrouver en studio, quand tout est plus clean et réfléchi ». 

Lorraine92 ne compte pas s’arrêter là en ce qui concerne son projet solo. « Pour le moment je me laisse très libre d’accepter des évènements, concerts et festivals, de manière spontanée. J’aimerais beaucoup par la suite réaliser un album LP plus collaboratif, peut-être inviter des artistes que j’aime à faire des interventions dessus afin d’ouvrir un peu le projet ». Prochainement, on pourra notamment la voir le 19 mai à L’Ecurie à Genève ou le 21 mai à Dachstock Zurich.

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