« Wild Things », un passé d’actualité

Wild Things, par la compagnie Zanco, au Parc La Grange (©Juan Carlos Hernandez)

Aujourd’hui nous partons pour un monde fait d’ombres, de masques, de monstres et autres créatures de la nuit. Le voyage d’un homme dans ses rêves, ses cauchemars, face à ses démons et ses peurs. Un voyage qui débute dès la tombée de la nuit au Parc La Grange… Dès jeudi, découvrez « Wild Things », la nouvelle création de la compagnie genevoise Zanco, dont le responsable artistique et metteur de scène Yuval Dishon est en interview.

Wild Things, ça parle de quoi ?

« Wild Things » est un voyage onirique, c’est l’histoire d’un personnage, historien, qui traverse ses rêves et ses cauchemars. Le spectacle, dont le texte est basé sur les mots de l’historien médiéviste Patrick Boucheron et propose une réflexion sur l’utilité de l’Histoire dans notre époque actuelle. La trame se déroule au crépuscule, si bien qu’une fois la nuit arrivée, on ne distingue plus le réel de la fiction, le spectateur est plongé dans l’ambiance. Dans le spectacle, il y a donc deux niveaux mélangés : un niveau plus intellectuel, disons de questionnement politique, et un niveau sensoriel, plus du ressort des émotions et de l’immersion dans le spectacle.

Wild Things, par la compagnie Zanco, au Parc La Grange (©Juan Carlos Hernandez)

La trame se déroule dans les bois, est-ce donc obligé de jouer la pièce dans des parcs ?

Tout d’abord, je tiens à dire qu’avec la compagnie Zanco, nous cherchons toujours à aller vers le public, chez les gens, près d’où ils vivent, en investissant par exemple des cours d’immeubles. Nos dernières créations par exemple, « Chantier_racine#1 et #2 » ont eu lieu dans des chantiers. L’avantage avec les décors extérieurs naturels est qu’on a directement un lien qui permet d’entrainer le spectateur en immersion dans le spectacle. Pour « Wild Things », on a collaboré avec Pol pour intégrer les éléments naturel du parc dans la bande sonore et créer un son itinérant. Ce qui est pratique dans le Parc La Grange, c’est qu’il n’y a pas de lampadaires et donc que la nuit noire vient progressivement. Cela permet de jouer sur ce basculement insaisissable : c’est de la combinaison tombée de la nuit/ambiance sonore que sort la fiction du théâtre. Le spectateur doute de s’il est dans le spectacle ou dans la réalité.

À qui s’adresse le spectacle ?

Je dirais à partir de 8-10 ans. Ce n’est pas un spectacle pour les tout-petits, car il y a des montres, des masques, etc. Par contre, on a eu une demande d’adaptation pour faire une version adressée aux plus jeunes. Il y aura donc sûrement un spectacle adapté aux plus petits après « Wild Things ».

Qui sont les artistes qui jouent dans Wild Things ?

Ils sont cinq sur scène, dont trois danseurs masqués, avec chacun des origines et parcours différents : Mehdi Duman est aussi comédien, Cédric Fadel Hattab vient du milieu du hip-hop et du break et Déborah Chevalier est danseuse tout terrain. Il aussi un comédien, Chris Baltus, et une comédienne-marionnettiste, Inbal Yomtovian.

En plus, nous avons collaboré avec Pol pour le son, Kaori Ito pour la chorégraphie et Étienne Delessert, qui illustre des livres pour enfants, pour l’affiche.

As-tu personnellement rencontré l’historien médiéviste Patrick Boucheron ?

Effectivement, je l’ai interviewé plusieurs fois et j’ai utilisé aussi les entretiens qu’il a donné à la radio. Au départ, lorsque je lui ai parlé de mon projet, il était intrigué, mais il m’a rapidement donné carte blanche pour l’utilisation du matériel. Au total, j’avais près de 20 heures de matériau. J’ai repris certaines parties et le tout s’est affiné au fur et à mesure des répétitions pour aboutir au spectacle qui aura lieu dès jeudi.

Pourquoi avoir choisi le discours de cet historien pour « Wild Things » ?

Car il avait une résonnance particulière en moi. Il faut savoir que la première trame du spectacle, je l’avais en tête depuis fin 2013. Et puis à mesure que j’écrivais la mise en scène du spectacle, il s’est passé beaucoup d’événements particuliers comme les attentats de Charlie Hedbo, la montée des populismes un peu partout, Le Pen, Orbán, Poutine, Trump, etc. sur lesquels Patrick Boucheron a réagi et qui ont influencé mon écriture. J’ai souvent une phrase de Gramsci que je ressors et qui décrit bien selon moi le monde actuel : « Le vieux monde se meurt, le nouveau monde tarde à apparaître et dans ce clair-obscur surgissent les monstres ». Cela résonne encore plus fort aujourd’hui avec tous ces événements. Au final, on se rend compte que cette phrase est éminemment théâtrale : dans « Wild Things », je tente d’incarner ces monstres abstraits qui apparaissent lorsque vient la nuit.

On entend toujours que l’Histoire nous aide à ne pas répéter les mêmes erreurs, mais en réalité, en observant l’état actuel du monde, et c’est ce que souligne Patrick Boucheron, on s’aperçoit bien vite qu’on est en train de refaire les mêmes erreurs que dans le passé. Au final, « Wild Things », c’est un personnage plongé dans un univers rempli de monstres, entre rêve et réalité, qui doit se confronter à ses peurs profondes. Patrick Boucheron parle souvent du fait d’être désemparé face aux événements historiques, mais il rappelle que nos actions même petites, ont du pouvoir sur le futur et qu’il faut se donner du courage.

L’affiche me fait penser à l’histoire pour enfants « Max et les Maximonstres » (« Where the Wild Things are » en anglais). Y a-t-il une inspiration de ce côté ?

Le titre vient de là. J’ai décidé de garder le titre original en anglais car il était moins stéréotypé qu’en français. Ce livre, c’est la trame sous-jacente du spectacle : le personnage part dans les bois à la rencontre de son monde intérieur, de ses peurs, de ses démons. Tout comme le livre, le spectacle parle à l’inconscient et montre comment le personnage appréhende les peurs, les affrontent, et danse avec elles. Un autre point commun entre le spectacle et le livre est l’aspect mi-homme / mi-animal. Max porte un costume de loup blanc, tandis que dans « Wild Things » il y a de nombreuses créatures entre humain et animal. Et cet aspect se retrouve dans de nombreux mythes et cultures, comme la mythologie gréco-romaine, les égyptiens ou les religions amérindiennes. Dans le spectacle, j’ai justement voulu explorer ce côté animal, ce côté brut et maléfique de l’être humain.

Parlons un peu de toi, qui es-tu Yuval ?

J’ai fait une licence en histoire à l’uni, mais artistiquement parlant, j’ai été formé par le théâtre Les montreurs d’image, dans laquelle je faisais du théâtre et de la danse. Puis j’ai travaillé avec l’homme de théâtre Ivan Tanteri. Ensuite je suis allé aux États-Unis pour travailler avec le Brand and Puppet Theater, compagnie avec laquelle j’ai fait du théâtre d’objet et expérimenté le plein air et l’utilisation du paysage comme décor. J’ai en outre accompagné la troupe d’Eugenio Barba, qui fait surtout du théâtre physique, c’est-à-dire à mi-chemin entre la danse et le théâtre. Enfin, avec d’autres artistes, j’ai fondé en 2005 la compagnie Zanco. Les spectacles que nous proposons sont axés sur le théâtre physique et l’utilisation de l’espace public pour faire vivre le lien avec les spectateurs. En plus, on pourrait dire qu’on fait de la médiation culturelle en intégrant les réalités des quartiers dans lesquels nous jouons dans nos spectacles. On veut amener le théâtre aux gens. C’est aussi pour ça qu’on fait un prix libre pour nos créations.

As-tu d’autres projets en cours ou futurs ?

Pour le moment, je suis à fond sur celui-là. On le joue en Suisse romande jusqu’à octobre 2017 et on refera une tournée de ce spectacle en 2018. Après, s’il y a moyen d’exporter ou de transposer ce spectacle en dehors de frontières suisses cela peut être génial aussi. En parallèle, on organise parfois les « vagues rouges », qui sont des parades avec des échassiers, danseurs, percussionnistes, etc.

En 2014 et 2015, on avait fait des éditions du spectacle « chantier racine », dans des chantiers à Genève, avec des personnages et des moments récurrents d’un spectacle à l’autre. Dans le futur, on peut très bien imaginer refaire une troisième édition…

Mais pour le moment, « Wild Things » par la compagnie Zanco – Théâtre itinérant & pédagogie en mouvement, c’est au Parc La Grange le 16, 17, 20, 21 et 22 juin dès la tombée de la nuit (21h15). Si vous êtes intéressé, n’oubliez pas de vous inscrire au préalable pour la date de votre choix directement sur le site de la compagnie Zanco : www.zanco.ch

Les dates de la tournée en Suisse romande, de juillet à octobre 2017 :

La Chaux-de-Fonds, Festival Plage des Six Pompes, du 3 au 5 août à 20h45

Lausanne, Lausanne Estivale (p.34 du PDF), 18 et 19 août à 20h15, le 20 août à 17h

Veysonnaz (VS), Festival Place aux Mômes, 26 août, à 16h

Bernex (GE), date à confirmer

Genève, Fête du Théâtre, 14 octobre à 19h45

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