Le 28 février dernier sortait la compilation « Intenta » des labels Décalé et Bongo Joe Records. Elle s’inscrit comme un hommage à la musique électronique et expérimentale suisse.
Mais qu’est ce qui a bien pu pousser Décalé à provoquer un flashback entre les années 1981 et 1993 ? Ce label français a été créé par Matthias Orsett et Maxi Fischer il y a quatre ans, et se concentre sur les rééditions de la musique francophone des années 80. Chaque style y passe, du zouk à la house en passant par l’électro-rock. « On ne veut pas se donner une image de spécialistes, on propose de la musique éclectique », précise Matthias, installé à Lausanne.
« Avec le label, l’idée a toujours été de proposer des choses alternatives, oubliées, que l’on remet au goût du jour », poursuit-il. Lors d’une session d’écoute de vinyles, son acolyte et lui décident de compiler les chansons francophones qui ont bercé la Romandie il y a plus de trente ans. « On s’est rendu compte qu’il y avait énormément de matière, et surtout qu’il y avait une opportunité de remettre cette musique en avant ».
Retourner vers le passé musical suisse
Intenta, c’est alors un projet qui se nourrit de sa signification latine. L’intention, l’accord, de tels noms qui semblent bien coller à ce qu’est la Suisse au niveau musical à cette époque, créative mais passée sous silence. « On a réalisé que les morceaux que l’on a découvert étaient variés mais aussi très similaires entre eux. Il y a une certaine cohérence globale dans les productions alors que les artistes n’étaient pas en contact », explique le mélomane.
Le projet de 17-titres regroupe des musicien.nes de toute la Suisse romande et alémanique. Il fédère ces artistes qui évoluaient isolés, à l’ère où il n’y avait pas de scène expérimentale et où internet n’existait pas encore. Pourtant, plus de trente ans après, la compilation fait écho et raconte les belles histoires du passé musical suisse. « C’est vrai qu’on aurait pu faire 4, 6 ou même 8 disques avec tout ce qu’on a trouvé chez les disquaires ou en ligne, mais on a préféré se concentrer sur un choix réduit afin de rencontrer tous les artistes et faire ce travail de mémoire nécessaire ».
Un projet humain bourré de sens
L’Intenta c’est aussi l’entente, qui a été nécessaire à l’élaboration de leur projet ambitieux et qui s’est étendu sur plus d’une année, entre la phase de recherche et le mastering de la compilation. « On gère un petit label par passion, et ce qui est particulier dans cette aventure c’est que ça a été chargé émotionnellement, un lien entre nous tous s’est créé », raconte Matthias.
Des rencontres qui ont provoqué de la surprise chez certains comme de la réticence chez d’autres artistes. « Ce n’est pas toujours facile de rouvrir un pan de ta vie. Globalement les artistes étaient contents que des trentenaires viennent leur parler de leur morceau tombé aux oubliettes, sorti dans les années 80 ».
Le lien s’est aussi consolidé au fil d’une rencontre décisive pour l’élaboration de la compilation. Par hasard, alors que les deux membres de Décalé prospectent pour un label, ils tombent sur la boutique de Bongo Joe Records, le label genevois spécialisés dans la musique du monde et les revivals. « On leur a tout raconté, notre envie de compiler les artistes, de fouiller le passé, et on leur a décrit chaque histoire dont était chargés les morceaux », se rappelle Matthias. Une collaboration naît alors de cette discussion.
Pour appuyer la sortie de la compilation en digital et en vinyle, une tournée de release party a été lancée. Malheureusement, à cause du coronavirus, la majorité des dates dans toute la Suisse ont été annulées. « On a quand même pu inaugurer à Bongo Joe et faire la soirée au Romandie », se console Matthias.
Lors de ces soirées, le concept était d’inviter la nouvelle génération de musiciens à célébrer l’héritage de la musique suisse. Ce sont des artistes comme CCÉLINE, NVST ou même Matthias lui-même, sous le pseudo d’OR7 qui ont animé les festivités. « On est ravi de donner une seconde jeunesse à la musique suisse, mais on est aussi là pour célébrer la relève, et faire danser les gens qui sortent en club et veulent s’éclater », précise celui qui porte plusieurs casquettes. En attendant de pouvoir refaire la fête, donc, la compilation Intenta est disponible à l’écoute et à l’achat en format digital.