Raconter une histoire tout au long d’un disque, c’est le défi que s’est lancé Electrogène pour son premier album. Mister Mysterious mélange rock progressif et narration, le temps du voyage onirique en Enfer du personnage éponyme. Pour découvrir ce projet pluridisciplinaire, on a rencontré deux membres du quintette : Nadja, claviériste, et David, chanteur.
Pour commencer, le groupe s’est donc formé à l’EPI ?
Nadja : Oui. On s’est quasiment tous rencontrés là-bas et on y est restés deux ans avant de se dire qu’on pouvait continuer seuls. La majeure partie du temps, on était quatre : Lucas aux guitares, Sébastien à la batterie, David au chant et moi aux piano et claviers. On a eu un deuxième guitariste et une bassiste, qui sont partis. Et actuellement, on est cinq. Manon, qui est violoncelliste, a fait des chœurs et quelques interventions pour l’enregistrement de l’album. A la fin, on lui a demandé de nous rejoindre de manière officielle.
Comment vous est venue l’histoire de Mister Mysterious ?
David : On a enregistré le premier morceau de l’album – Mister Mysterious – sans penser ou savoir qu’il y aurait une suite. C’était notre compo originale de fin d’année pour l’EPI. L’année d’après, on en a fait une deuxième, une sorte de suite, parce que ça nous faisait marrer. Et ensuite on s’est chauffés et on a fait cet album.
Comment est-ce qu’on écrit les paroles d’une histoire ?
David : C’est peut-être un poil plus prise de tête que juste l’écriture de chansons plus classiques (rires). On doit ficeler les trucs pour qu’il y ait des thèmes qui reviennent, ce genre de chose. Ça demande aussi un cadre pour tout : le niveau d’écriture, les chants lexicaux, etc. C’est une contrainte, mais pas au sens négatif du terme.
La musique vient avant ou après ? Comment est-ce que vous composez ?

Nadja : Ça dépend. Il y a des morceaux pour lesquels on avait la musique et le texte est venu ensuite, mais l’inverse s’est aussi passé. Au fil du temps, l’histoire s’est mise en place et la musique aussi. Elle s’est mise autour. On les a entrecroisés.
David : C’est vrai, on a navigué à vue pendant longtemps, en se demandant juste ce qu’on allait faire pour le morceau suivant. La cohérence de l’histoire est venue après. Il a fallu coudre les parties ensemble, assembler les morceaux. En tout cas, on compose collectivement. On respecte la place de l’instrument de chacun·e sans pour autant hésiter à se proposer des trucs. En général, quelqu’un amène une idée pour son instrument ou a une idée de dynamique, un groove, un riff. On joue dessus, on regarde s’il se passe des choses, si ça nous plaît. Pareil pour les paroles : j’arrive en répet’ avec un texte. Je le chante et on le commente tous ensemble.
Nadja : La musique est au service de l’histoire. On ne se borne pas à être un groupe de rock qui ne fait que du rock. On se laisse la liberté d’aller voir ailleurs.
Quelles sont vos influences, justement ?
Nadja : On en a quelques unes de communes, notamment Pink Floyd. Ensuite, on a chacun les nôtres, qui sont très différentes. Moi c’est pas mal le rock, les chansons francophones. David et le batteur sont plus calés reggae… C’est ça qui donne aussi le ton de l’album, qui va dans plein de styles différents. Ça va de Muse à Thiéfaine en passant par Manau, the Heavy et System of a Down.
David : Il y a forcément nos points de rencontre qui ressortent ! Et pour moi, ça fait aussi écho aux livres et aux BD audio que j’écoutais gamin… T’es posé dans le bus et tu écoutes une histoire ; ça a un début, une fin et ça te fait voyager.
Votre côté théâtral se ressent beaucoup dans les paroles, dans la façon de chanter de David. Tu as fait du théâtre ?
David : De l’impro, beaucoup. Maintenant un peu moins, mais quand on a commencé l’album, j’étais vraiment à fond là-dedans. Je pense que ça s’entend sur les enregistrements, mais c’est en concert que c’est vraiment flagrant. Je me mets dans la peau des personnages, je prends des postures, etc., un peu en mode comédie musicale.
Ça ressemble à quoi Électrogène sur scène du coup ?
Nadja : On a tous un costume fait spécialement pour les concerts. C’est une idée dont on parlait depuis longtemps et il se trouve que j’ai une pote costumière. Je lui ai demandé de m’en faire un et, il y a quelques mois, on s’est dit que le reste du groupe pourrait aussi lui demander un habit de scène. David en a plusieurs, suivant les personnages, mais ils sont encore à travailler.
David : C’est un vrai challenge de garder l’attention du public, parce que je dois me changer. Il y a des morceaux où trois personnages arrivent les uns après les autres ! Changer de costume sans perdre l’attention du public, sans avoir l’air trop bête et sans polluer visuellement ce qui se passe, c’est pas facile (rires). La stratégie actuelle c’est : je cours et je me mets sous le piano. On a mis un draps devant et je change mes vêtements à quatre pattes à côté de Nadja.

Vous avez aussi posté des dessins sur les réseaux sociaux. C’est aussi un signe de l’hybridité du projet ?
Nadja : Oui. Il y a la pochette – recto et verso –, et le livret à l’intérieur, qui est illustré. Il y a presque un dessin par morceau. C’est une collaboration entre notre guitariste, Lucas, et Olivier Jaquet, aka Olive, qui fait pas mal de dessin, de graphisme.
David : L’idée de ne pas avoir qu’un truc musical et d’ouvrir la porte à d’autres médias artistiques, c’est dans notre volonté. A terme, on aimerait un fonctionnement en collectif.
Tant que les salles de concert resteront closes, il sera difficile de vivre l’expérience scénique de Mister Mysterious, mais on peut l’écouter. Pour le moment, l’album est uniquement sorti en CD et en double vinyle. On peut se le procurer directement auprès du groupe contactable sur Facebook et Instagram, sur Bandcamp, mais aussi le commander auprès de la Bretelle (ici) ou chez Urgence Disk (là) ; une bonne occasion de soutenir à la fois un bar associatif ou un disquaire indé et un groupe local !