Joël Dicker de retour en Suisse

©Jeremy Spierer

Après une sortie repoussée en raison de la crise sanitaire, le nouveau roman de Joël Dicker L’énigme de la chambre 622 a enfin trouvé place en librairie la semaine passée. EPIC-Magazine a eu le plaisir d’une rencontre avec l’auteur genevois pour discuter écriture et premiers pas littéraires – deux éléments au centre de ce dernier roman.

Un meurtre en pleine nuit dans un palace de Verbier, des banquiers privés genevois en pleine passation de présidence, le tout avec espionnage et enquête… voilà la toile de fond sur laquelle l’auteur genevois Joël Dicker tisse son intrigue. Dans une maîtrise du suspense qu’on lui connait, il emporte ses lecteur.trice.s au travers d’un écrivain en mal d’amour, parti en vacances respirer loin de Genève, dans une quête de vérité et d’écriture.

Un roman à la suisse

Pour la première fois, Joël Dicker franchit le pas et place son intrigue en terre locale. Après des essais restés dans les tiroirs pour son roman La disparition de Stéphanie Mailer, l’auteur s’est senti prêt à ancrer ses personnages en décor genevois. « J’ai eu besoin pour écrire sur Genève, et la Suisse, d’accepter ma subjectivité, d’accepter que je n’allais pas raconter Genève dans son exactitude, mais bien en fonction de mon ressenti et du lien émotionnel qui me lie à cette ville. Ça s’est fait peu à peu, en définissant ce que je voulais dire de Genève, ce que je voulais dire de la tendresse que j’ai pour ma ville. Je me suis alors octroyé le droit de la fiction. Pour donner un exemple, il y a un passage où Genève est sous la neige, alors que tout Genevois sait qu’il n’a pas neigé de quoi recouvrir la ville depuis des années, mais je voulais de cette neige de montagne pour ce qu’elle disait de Genève. En fait, j’ai construit la Genève de ce roman à l’image d’un personnage ».

Ses livres traduits dans de nombreuses langues et lus à l’international font de lui l’un des écrivains suisses les plus reconnus. Cependant l’auteur a voulu L’énigme de la chambre 622 comme un roman suisse, réaffirmant ainsi son statut d’auteur local. « On écrit avec son identité et joue avec le vocabulaire que l’on a. Ce roman est un roman suisse, avant tout parce que je suis Suisse. Je me sens faire partie du milieu littéraire romand, comme toute personne suisse romande écrivant. Après ce livre peut être vu comme suisse aussi par son lien au territoire. J’ai une image du roman suisse lié à sa terre, au pays. Et dans L’énigme de la chambre 622, je me suis donné l’espace d’écrire cet attachement aux montagnes, au lac, au jet d’eau, à Genève. La littérature suisse n’est pas un parent pauvre de la littérature française. Il y a de belles choses qui s’écrivent ».

Hommage à son mentor

Pour qu’un livre arrive dans les mains de ses lecteur.trice.s, de nombreuses étapes sont nécessaires, dont celle de l’édition. Trouver maison à son roman n’est pas chose aisée et Joël Dicker ne fait pas figure d’exception. Son premier ouvrage, Les derniers jours de nos pères, ne lui a pas ouvert toutes les portes, au contraire les refus ont été nombreux. Mais un homme y a cru : l’éditeur Bernard de Fallois. Dur à convaincre, il a pris le pari. Un pari gagnant puisque, après l’échec commercial du premier, La vérité sur l’affaire Harry Querber a su rencontrer un large public. Pari gagnant aussi sur un plan personnel, puisqu’un vrai lien s’est tissé entre les deux hommes.

L’énigme de la chambre 622 est avant tout un roman hommage à celui qui a cru en lui. Après le décès en 2018 de l’éditeur, l’urgence d’écrire s’est saisie de Joël Dicker. Quel meilleur hommage à l’homme qui a fait de lui « l’Écrivain » que d’en raconter les coulisses, le tout parsemé de références – dont Verbier, voyage qu’auraient aimé faire les deux hommes. « J’avais le besoin de rassembler les souvenirs, de partager cette amitié. J’ai pris plaisir à le retrouver par l’écriture. Notre lien a toujours été là, dans les romans. Bernard a été le premier à considérer mon travail, il me parlait dès le début comme un auteur. Avant cette rencontre, pensée par Vladimir Dimitrijević, j’ai essuyé de nombreux refus. Nos échanges et sa confiance m’ont beaucoup stimulé et encouragé ».

Se lancer dans l’écriture

Le Tigre, réédité en 2018 aux édition de Fallois

Joël Dicker publie son premier roman à 24 ans. Le suivant, La vérité sur l’affaire Harry Quebert, paru deux ans plus tard, connaît un succès mondial. Cependant, ce ne sont pas ses premiers pas dans le milieu littéraire. En 2005, il est publié dans le recueil du Prix Interrégional des jeunes auteurs aux éditions de l’Hèbe avec sa nouvelle Le Tigre. « Ce parcours dans l’écriture, c’est ce qui me forme aujourd’hui. C’est un long apprentissage, avec ses joies et ses moments plus compliqués, ses faux pas. C’est bateau, mais c’est en se trompant que l’on apprend et je ne changerai rien à mon parcours aujourd’hui.  Si je devais donner un conseil, c’est oser, persévérer, se dépasser, lutter, douter. La difficulté et les doutes sont importants, c’est ce qui nous permet d’avancer ».

Si l’auteur est aujourd’hui reconnu, celui-ci déplore le manque d’espace favorisant l’échange dans l’écriture, en particulier pour les jeunes voulant se lancer. « Je regrette qu’il n’y ait pas plus de lieux dédiés à l’écriture, de cursus pour l’écriture plus institutionnalisé comme le conservatoire l’est pour la musique, l’Institut littéraire suisse fait figure d’exception. Pour moi, l’écriture se travaille et, comme je le disais, j’apprends au fil de mes romans. La littérature doit reprendre sa place dans nos divertissements et nous sortir de nos écrans. Et ça passe aussi par changer l’image de l’écrivain issu de l’élite, démocratiser l’accès à l’écriture pour toutes celles et ceux qui le désirent ».

Conseils lectures

Pour finir sur une note curieuse, Joël Dicker nous a confié deux plumes genevoises à lire en cette période de printemps. « Dernièrement j’ai dévoré Représailles de Florian Eglin paru aux éditions La Baconnière, un triller haletant dans lequel j’ai adoré me plonger ». Le romancier Florian Eglin, connu pour son style musclé et noir, signe ici la rencontre du polar et de la mythologie, dans un séjour familial transformé en chasse à l’homme.

« Dans un autre style, j’aime beaucoup le travail d’Aude Seigne que je suis au fil de ses publications. Je prends beaucoup de plaisir à la lire et à embarquer dans son univers et ses voyages ». Aude Seigne, autrice multifacette, écrit autant des ouvrages personnels, questionnant notre monde par ses connexions dans Une toile large comme le monde aux éditions Zoé, que des ouvrages collectifs. Depuis deux ans, avec Daniel Vuataz et Bruno Pellegrino, elle réhabilite le feuilleton littéraire, se jouant des codes inventés par Balzac, les faisant résonner avec nos séries télés. Stand-by en est aujourd’hui à sa deuxième saison et ne demande qu’à continuer.

Vous pourrez trouver chacun de ces romans dans vos librairies de quartier. De quoi se faire plaisir !

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